Depuis des temps immémoriaux, les « cristaux » ont été recherchés dans les Alpes. Vers 300 avant Jésus-Christ, Théophraste, disciple d’Aristote, évoque dans son « Peri lithon », ouvrage sur « les roches » au sens large, notamment le quartz et quelques unes de ses utilisations courantes, comme la réalisation de sceaux. Les gisements des Alpes étaient une des sources majeures de cette matière première pour l’artisan. Dans son « Histoire Naturelle », Pline l’Ancien, au premier siècle après Jésus-Christ, signale quelques gisements de quartz, « on estime fort celui provenant des montagnes des Alpes » affirme t-il.
Des documents attestent de l’exploitation du quartz dans le massif du Mont-Blanc dès le dix-septième siècle.
Ranchin écrit en 1635 que « le cristal se trouve parfaitement beau dans les glaciers du Haut-Faussigny et de la Val d’Aoste, d’où les habitants le portent à Milan, là où il est travaillé mieux qu’en aucune partie du monde ».
Henry Justel dans son rapport à la Royal Society de Londres rapporte en 1674 qu’ « un certain père capucin dit avoir été sur la plus haute de ces montagnes avec un marchand de cristaux, lequel ayant frappé de son marteau un rocher, entendit qu’il sonnait creux, y fit un trou d’où il retira une substance semblable au talc, ce qui pour lui décelait la présence du cristal. Après quoi, il fit exploder un grand trou au moyen de poudre à canon et trouva du cristal au fond ». Il est à remarquer l’utilisation de la poudre attesté dès le XVIIème siècle pour l’extraction des cristaux.
En Savoie, à Doucy, une concession est exploitée vers la fin du dix-septième siècle. Des contrats datés de 1698 nous donnent les conditions d’exploitation, l’organisation de celle-ci, et le prix d’achat au poids des cristaux de quartz. Le prix est fixé par quintal de 120 livres, soit par lot de 66 kilogrammes environ, ce qui donne une idée de l’importance des quantités extraites. Ces cristaux sont exclusivement destinés aux tailleries, notamment celles de Suisse et des Etats d’Italie. D’anciens travaux du même type existent au Grand-Mont, près d’Alberville, Savoie.
On nomme « cristallier » en France, « Strahler » en Suisse, la personne qui recherche des cristaux dans les Alpes pour en faire le commerce.
Pour l’artisan et l’artiste, les minéraux et les roches sont une matière première. Jusqu’au dix-huitième siècle, l’utilisation de cabochon en bijouterie et en ornement d’œuvres d’art comme les reliquaires, la fabrication d’objets comme des coupes, des brocs, des pièces de jeux d’échecs et autres, notamment à partir de cristaux de quartz des Alpes, seront répandues dans tout le bassin méditerranéen. L’exploitation des gisements et le négoce de ces matières premières sont des plus intenses.
Après Pline, hormis quelques alchimistes et lapidaires, peu de personnes en occident étudieront les minéraux. Et les rares personnages qui le feront auront une démarche non scientifique, et ne s’intéresseront pas pour autant à l’objet, au spécimen, en lui-même. On ne connaît pas d’intérêt pour l’étude « scientifique » des minéraux ou pour leur esthétique propre avant la Renaissance.
Article de Frédéric Delporte publié aimable autorisation.